La Jusquiame noire, une plante qui se plaît aux pieds de nos ruines médiévales

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Plant de Jusquiame noire en fleur

La Jusquiame noire ou Hyoscyamus niger est un végétal de la famille des Solanacées de l’ordre des Solanales. Un bon nombre de nos aliments favoris appartient à cette famille de végétaux : la pomme-de-terre, la tomate ou encore le poivron. Des espèces ornementales comme le Pétunia ou le très toxique Datura, font de même, partie des Solanacées. Enfin, le Tabac en est également un célèbre représentant.

La Jusquiame noire est une espèce généralement bisannuelle, appréciant les terrains sableux remaniés et ensoleillés, ce qui explique sa présence autour des ruines.

Bien qu’appartenant à une très vaste famille, la Jusquiame demeure, de par ses caractéristiques, très facilement identifiable. Il s’agit d’une plante aux feuilles molles, globalement ovales, décrivant des lobes triangulaires aux bords sinueux. Comme la tige, les feuilles sont recouvertes de petits poils visqueux qui rendent le toucher plutôt désagréable.

La fleur éclot en été et se compose de cinq pétales jaunâtres abondamment nervés de pourpre. La couleur pourpre domine d’ailleurs à la base de la corolle tubulée, sertie dans un calice bien vert composé de cinq sépales. Ce calice possède la particularité de croître y compris après la floraison de la plante !

La Jusquiame noire dégage une odeur désagréable qualifiée de vireuse (fétide, empoisonnée) par les botanistes. Il s’agit en effet d’une plante fortement toxique, riche en molécules actives sur le système nerveux. Il est donc préférable de se contenter de la contempler, tout en gardant un œil sur les enfants.

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Château de la Hohenbourg au pied duquel pousse la Jusquiame noire.

Anecdotes

Comme bon nombre de plantes toxiques, la Jusquiame se trouve mêlée à divers aspects de la vie, allant des sciences médicales aux croyances occultes en passant par l’agriculture. Voici quelques anecdotes en rapport avec la Jusquiame noire (nous conserverons l’orthographe d’époque) :

Usage médicinal

Si la Jusquiame noire possède des molécules que la médecine moderne a su isoler dans divers végétaux et qui ont des applications concrètes dans les traitements de certaines maladies cardiaques ou cérébrales, certains usages plus anciens de la plantes furent tout à fait singuliers. Contre la démence, voici ce qui était préconisé dans un texte antérieur à 1715 :

« Et se frénésie lui vient en maladie si comme en continue, mectez sur la teste du malade une esponge ou jusquiame ait boully, ou que vous lui mectez sur la teste ung coq ou le polmon d’un pourcel si tost qu’il est tiré du ventre ; et si soient liez les bras ensemble et les jambes le plus estroit qu’on pourra, et après pensez de le faire dormir. »

(Bulletin philologique et historique jusqu’à 1715 du Comité des travaux historiques et scientifiques, Paris, Imprimerie Nationale, 1942)

De même, jadis on croyait que les caries étaient causées par des vers. On supposait que les graines de Jusquiame jetées sur des braises dégageaient une fumée faisant fuir ces hypothétiques parasites :

« Le vulgaire et même certains Auteurs ont crû et croyent encore que toutes les douleurs des dents, et les caries, sont causées par des vers dentaires, et que ces vers rongent peu à peu le tissu des fibres osseuses, ou les filets nerveux. Si cela étoit, l’explication de la douleur de la carie des dents seroit aisée à donner, et par-là on épargnerait bien de la peine aux Physiciens. L’on fonde cette opinion sur de prétendues expériences que l’on rapporte touchant ces insectes, lesquels par le moyen de la fumée de la graine de jusquiame, nommée aussi hanebane, tombent, à ce que l’on dit, des dents. »

( Pierre Fauchard, Le chirurgien dentiste ou traité sur des dents, Paris, 1746)

Usage agricole

Le nom de hanebane vient de l’anglais hen-bane que l’on peut traduire par drame des poules pour lesquelles la plante est létale. Il en va de même pour les poissons et pour cette raison, le royaume d’Angleterre dût autrefois punir sévèrement les braconniers qui firent usage de la plante pour la pêche en étang. Il paraît également que la fleur butinée par les abeilles produit un miel malodorant et toxique. La Jusquiame semble donc être l’ennemie de l’agriculture et de la pêche.

Pourtant, aussi surprenant que cela puisse paraître, elle tire son nom vernaculaire Hyoscyamus des racines grecques hyos – cochon et cyamos – fève. La fève des cochons est une autre appellation de la plante qui trouve son origine dans le goût de l’animal pour sa consommation (et il n’est pas le seul). On peut ainsi lire dans Les Plantes médicinales et usuelles de nos champs, jardins, forêts de 1872 :

« C’est ainsi que les maquignons engraissent leurs chevaux en mêlant des feuilles dans leur avoine, et par là ils leur procurent un sommeil plus long et profitable. C’est ainsi que, dans les Alpes, les chèvres qui broutent cette plante, dit-on, deviennent les plus grasses. La plupart des animaux évite la Jusquiame, à l’exception des chevaux, des moutons, des chèvres, des vaches et des cochons. »

(H. Rodin, Les Plantes médicinales et usuelles de nos champs, jardins, forêts ; description et usages des plantes, Paris, 1872

Les paysans d’antan auraient ainsi tiré parti à la fois des propriétés nutritives de la plante, afin d’engraisser le bétail, mais aussi de ses propriétés toxiques en vue de rendre les troupeaux plus dociles !

Usage occulte

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Circé transformant les compagnons d’Ulysse en pourceaux, gravure de C. Frussotte, XVIIIe.

Enfin comme de nombreuses plantes toxiques, la Jusquiame noire eut également toute une série d’applications occultes. L’espèce était connue des oracles, des druides et bardes pour ses propriétés narcotiques mises à contribution lors de rites divinatoires.

Aussi, dès l’Antiquité la retrouve-t-on mêlée aux récits de magie. Par exemple les effets des diverses drogues employées par Circé, puissante magicienne citée par Homère, peuvent avoir été inspirés de ceux de la Jusquiame.

Plus tard, elle fût également employée dans le domaine de la sorcellerie, notamment pour la composition de l’onguent des sorcières. Il s’agissait d’une mixture dont elles s’enduisaient le corps pour se rendre au sabbat. Dans l’Église et la sorcellerie, nous pouvons lire ;

« […] Certains onguents mystérieux jouaient un rôle immense. On s’en frottait pour aller au sabbat. Or, J.-B. Porta, Cardan, Jean Wier nous en ont laissé des recettes; elles sont toutes à base de stupéfiants pavot, opium, aconit, jusquiame, ciguë, stramoine »

(J. Français, L’Eglise et la sorcellerie, Paris, 1910)

Pour conclure cet article, posons nous la question suivante : au temps de la splendeur des châteaux-forts des Vosges du Nord, la Jusquiame déjà illustre, tant pour ses méfaits que pour ses vertus, poussait-elle déjà en ces lieux ? Si l’on tient compte du fait que les collines étaient alors nettement moins boisées, les environs des châteaux fréquemment remaniés par les travaux et les conflits, il est fort à parier que la réponse à cette question soit oui !

3 commentaires :

  1. Bonjour j’ai quelque plante de jusquiame poussée au bord de la grande a côté d’un lac. Que fait ?

  2. La jusquiame ne pousse pas par hasard autour des places fortes,son poison était utilisé pour empoisonné les flèches des arcs et arbalète

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