Le Calla des marais, une beauté palustre

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Calla des marais en fleur

Le Calla des marais (Calla palustris) est une plante rare en France. Elle se développe usuellement en abondance dans des zones plus nordiques de notre continent. Cependant, en limite de son aire de répartition géographique, ce végétal a su trouver un biotope favorable sur les berges tourbeuses et acides des étangs des Vosges du Nord.

Calla palustris est une espèce monocotylédone de la famille des Aracées qui comprend également le spectaculaire Gouet maculé (Arum maculatum). Le Calla tire son nom du grec kalos qui signifie « beau ». La tige de la plante est un rhizome aquatique au port rampant qui s’implante en bordures tourbeuses non profondes des plans d’eau. Elle affectionne particulièrement les milieux semi ensoleillés. Les feuilles émergent de l’eau, par petits groupes de trois ou quatre, grâce à leurs longs pétioles. Ces-dernières ont une forme cordée et présentent une allure robuste. Elles entourent la hampe florale au bout de laquelle se trouve une structure végétale tout à fait particulière. L’inflorescence ne possède ni pétales, ni sépales et apparaît souvent au cours du mois de mai. Elle est simplement sertie dans une bractée blanche sur la face supérieure et verte sur sa face inférieure : il s’agit d’un spathe, qui n’est autre qu’une feuille particulière. Les fleurs s’organisent également de manière tout à fait singulière, en spadice.


Le spadice est une inflorescence en forme d’épi. Chez le calla des marais, les fleurs mâles et femelles qui le recouvrent sont réduites à leurs plus simples expressions d’ovaires et d’étamines. Cette structure, une fois fécondée, produira alors un ensemble compact de baies rouges réputées toxiques. Ces fructifications contiennent des graines psychrolabiles, c’est à dire qu’elles nécessitent un coup de gel avant de pouvoir germer. La plante peut aussi se multiplier par fragmentation de son rhizome.

 

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Fleur de Calla des marais fraîchement éclose

Dans la Flore de Lorraine de 1857 par le docteur Godron, la rareté de la plante était déjà soulignée. Sur le secteur de Bitche, sa présence était mentionnée au niveau de l’étang d’Hasselforst (Hasselfurt), les marais de Reyerswiller ainsi que dans ceux de Sturzelbronn. D’autres stations sont actuellement connues dans les Vosges du Nord : plusieurs autour des étangs de la réserve naturelle des tourbières et rochers du pays de Bitche, ou encore sur le secteur de la Petite-Pierre.

Comme indiqué précédemment, Calla palustris, très rare dans nos contrées, est au contraire abondant dans les pays du Nord de l’Europe comme la Suède, où il peut coloniser des lacs entiers. Dans ces pays la partie végétative de la plante était même séchée, puis transformée en farine. En cas de disette, elle était alors incorporée dans le pain. En France, le Calla des marais semble également avoir trouvé un usage culinaire par le passé, M. Bulliard écrivait en 1784 dans son Histoire des plantes vénéneuses et suspectes de la France :

Elle a beaucoup d’affinité avec les renoncules ; elle est âcre comme elles : on en mange les boutons confits au vinaigre comme les câpres ; mais on soupçonne que cela ne peut faire qu’un assaisonnement dangereux.

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Callas des marais

Quoi qu’il en soit, compte tenu de la rareté de l’espèce sur le territoire national, elle bénéficie d’un statut de protection totale et il est de nos jours formellement interdit de prélever tout ou une partie de la plante.

Le Calla des marais témoigne des richesses naturelles et de la singularité écologique unique des Vosges du Nord forgée par les microclimats à tendance continentale, par un relief offrant de nombreuses vallées humides et fraîches et bien sûr par le substrat gréseux acide. L’Homme a également contribué à établir cette biodiversité, notamment par la création d’étangs artificiels. Ces-derniers étant bien souvent coiffés d’une tourbière en amont, ne sont plus entretenus de manière intensive depuis bien longtemps. Ils ont ainsi gagné un degré de naturalité important. Ces milieux humides de fond de vallées sont cependant de plus en plus menacés, en particulier par l’ensablement issu de l’érosion des sols. Ce phénomène néfaste est en grande partie lié à la gestion intensive de nos forêts dans lesquelles interviennent des engins de plus en plus massifs. Ces machines agroforestieres laissent derrière elles de profondes crevasses sur les versants à intervalles réguliers et rapprochés. Ces sillons, au fond desquels les sols déstabilisés et mis à nus, constituent des lits de ruissellement privilégiés pour les eaux de pluie, charriant avec elles le sable, qui n’est plus retenu par un couvert végétal, vers les vallées. C’est donc en gardant à l’esprit la fragilité de ces écosystèmes qu’il faut admirer avec humilité cette petite flamme pâle dans son milieu de vie, tout en respectant la réglementation en vigueur dans la réserve naturelle.

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