René Lalique et sa Verrerie d’Alsace : Wingen-sur-Moder vibrant au rythme de l’Art Déco

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René Lalique, cachet Naïade, vers 1930 (détail)

La petite commune de Wingen-sur-Moder, située dans le Bas-Rhin et nichée aux portes de la Moselle, a été rendue illustre par René Lalique (1860-1945). En effet, à partir de 1921, ce-dernier y établit une verrerie, destinée à développer sa production industrielle d’objets en verre. Mais pourquoi l’un des plus grand noms de la scène artistique des années folles a-t-il décidé d’établir une usine dans les Vosges du Nord ?

René Lalique : un artiste aux mille facettes

René Lalique, issu d’une famille champenoise installée à Paris, s’intéresse très tôt à l’art et notamment au dessin. Entré à l’âge de 16 ans, après la mort de son père, dans l’atelier d’un joaillier parisien, il découvre le monde fascinant des pierres et métaux précieux. Il se révèle très vite être un dessinateur de bijoux hors pair : il vend ses modèles aux grands noms de la joaillerie parisienne de l’époque. Fort de son succès, il décide quelques années plus tard de s’installer à son compte et d’ouvrir son propre atelier.

Il s’applique méticuleusement à élaborer ses bijoux sur papier, avec souvent de nombreuses annotations. Il en délègue ensuite la réalisation à ses ouvriers. Par ailleurs, s’il se soumet à ses débuts aux diktats de la joaillerie de la fin du XIXe siècle, il ne va pas tarder à s’en défaire. En effet, à cette époque l’univers du bijoux est une surenchère de pierreries, souvent de diamants, venant paver des montures aux allures historicistes. Lalique, décide d’appliquer à ses créations un nouveau vocabulaire artistique : celui de l’Art Nouveau…

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René Lalique, projet de pendentif, crayon, encre et aquarelle sur papier BFK (présenté au Musée Lalique de Wingen-sur-Moder au cours de l’Exposition « le Monde aquatique de Lalique »

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Achille Mélandri, Portrait de Sarah Bernhardt dans le rôle de la Dame aux Camélias

Véritable révolution, l’Art Nouveau propose une vision inédite du monde, proche de la nature par son expression esthétique, mais également tourné vers les matériaux industriels modernes. Par exemple, dans l’architecture ce nouvel élan s’exprimera par des décorations florales sur des structures métalliques. Dans la joaillerie, la nature, les lignes souples et molles s’imposeront également, le tout exprimé avec matériaux innovants. Lalique ne se soucie plus guère de la valeur intrinsèque du métal et de la pierre précieuse. Il les associe à des ersatz tels que l’émail, le verre ou encore l’ivoire artificiel. Dès lors, pour lui, seule l’idée artistique définit la valeur d’un bijou, érigé au rang d’œuvre d’art.

C’est ainsi que naissent des pièces, dont les éléments centraux ne sont que des éléments en verre moulé. C’est le cas de la broche « Nymphe rose » ou encore de la broche « Quatre Paons ». Cette technique de moulage assure également à Lalique la reproduction scrupuleuse de son idée artistique – celle qui prime sur la matière.

La qualité sculpturale de ses bijoux est indéniable : elle s’exprime aussi bien par les dimensions, souvent importantes de ses bijoux, que par l’animation des ses volumes.

 

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René Lalique, Femme ailée provenant de la grille du stand de l’artiste à l’Exposition Universelle de Paris en 1900

Cette nouvelle vision, adoptée également par d’autres joailliers tels que Henri Vever (1854-1942), ne séduiront pas immédiatement la bourgeoisie traditionnelle, mais s’imposeront cependant dans les milieux artistiques. Ainsi, Emile Gallé (1846-1904) verra très vite en la personne de Lalique, l’inventeur du bijou moderne. Aussi les créations de Lalique vont-elles venir parer les lignes graciles de la silhouette de Sarah Bernhardt, tant dans sa vie privée que sur scène. Cette « publicité » va progressivement inciter la bourgeoisie à adopter ce nouveau type de parures…

La renommée de l’artiste en tant que joaillier culminera à l’Exposition Universelle de 1900 à Paris, où ses vitrines, ornées de femmes ailées et de chauves-souris, attireront grande foule.

René Lalique et le verre

Si Lalique avait déjà utilisé le verre dans ses bijoux, cette matière malléable, transformable à souhait va devenir pour lui sa seule obsession. Abandonnant la joaillerie peu de temps après l’Exposition de 1900, il souhaite désormais se consacrer à ce matériaux fascinant, à la fois traditionnel, moderne et résolument atemporel.

Grâce au verre, Lalique s’offre la possibilité de faire entrer son art dans une sphère beaucoup plus large, moins élitiste que ce n’était le cas pour le bijou. Il installe ses ateliers dans une verrerie en région parisienne en 1909 à Combs-la-Ville. Il y fera réaliser tout d’abord une multitude de flacons de parfum pour Coty, Roger et Gallet, Worth…

Flacons églantines

Au centre et à droite : René Lalique, Flacon Eglantines de la Reine, v.1920. Collection particulière, dépôt au Musée Lalique

Il invente le flacon de parfum à usage unique, et considère l’ensemble de l’emballage (carton, étiquette…) comme un terrain d’expression artistique inédit. L’ensemble des contenants de la fragrance doit exprimer visuellement l’univers des notes du parfum.

Toutefois, très rapidement, Lalique exprime sa volonté de diversifier sa production, en mettant au point des modèles de vases, de boites, de lampes, etc. Il va également s’intéresser au domaine des arts de la table, véritable motivation de la création d’une seconde usine à Wingen-sur-Moder.

René Lalique et la Verrrerie d’Alsace

L’installation de la verrerie de Wingen-sur-Moder en 1921 a pour but premier la production de pièces industrielles moins prestigieuses que celles des usines de Combs-la-Ville. L’artiste créé dans ses nouveaux locaux des services de table (verres, assiettes, plats, etc.) plus ou moins bon marché.

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René Lalique, coupe « Vases N°1 »

Lalique ne recherche pas en Alsace les matières premières, de trop faible qualité pour la production d’un verre blanc, mais son choix est animé par diverses motivations. La première, c’est bien sûr la présence de verriers particulièrement expérimentés. En effet, la présence d’une activité verrière dans les Vosges du Nord est attestée depuis la fin du Moyen-Age : nos contrées cumulent donc un savoir faire et des techniques acquises et transmises sur plusieurs siècles. Lalique avait connaissance de l’excellence du travail des verriers de notre région, notamment grâce au rayonnement de la cristallerie de Saint-Louis-lès-Bitche, située en Lorraine voisine. L’artiste savait également qu’Émile Gallé (1846-1904) était venu à Meisenthal pour réaliser ses célèbres vases sous l’égide de Désiré Christian (1846-1907) et son atelier. Cependant, Lalique profite également du contexte de l’après guerre. En effet, après la Première Guerre mondiale, le gouvernement français incite les industriels, à grand renfort de subventions, à s’installer en Alsace-Moselle, pour redonner à ces régions dévastées une nouvelle dynamique.

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Signature VDA, désignant la verrerie d’Alsace

Au départ, Lalique ne souhaite d’ailleurs pas associer son nom prestigieux à des pièces d’usage courant. Il crée donc le sigle « VDA » désignant la Verrerie d’Alsace. Pour réduire ses coûts de production Lalique rationalise ses ateliers et opte le plus souvent pour la technique du verre moulé pressé. Toutefois, malgré la qualité et l’inventivité artistique des pièces, le succès se fait attendre. Le sigle VDA n’inspire pas les acheteurs. Lalique reviendra donc sur sa décision première, appliquant son illustre patronyme sur sa production alsacienne. Il permettra ainsi à ses modèles de connaître un succès retentissant.

Sa production se caractérise par un subtil jeu de contrastes entre le verre translucide et dépoli, insufflant une dynamique à ses pièces. Lalique, joue avec les illusions et confère une impression de volume et de mouvement à ses figures immobiles et souvent moulées en creux. Avec ses œuvres en verre, René Lalique devient l’une des figure de proue de l’Art Déco. Triomphant à l’Exposition internationale de 1925 à Paris, ce style artistique se fonde sur une rigueur géométrique, en rupture avec les lignes fluides de l’Art Nouveau, que l’on désignait désormais sous le nom de « style nouille ».

Dans sa verrerie de Wingen-sur-Moder, Lalique produira également des objets publicitaires, notamment pour les vins et liqueurs du Clos Saint-Odile à Obernai. Il réalisera une série de bouteilles, vide-poches, verres, carafes à l’effigie de la sainte patronne de l’Alsace. Du reste, le profil de la sainte qui orne ces objets est une interprétation d’un dessin de Charles Spindler (1865-1938).

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René Lalique, coupelle « Sainte Odile », vers 1922 (détail)

Une histoire qui perdure

Le nom Lalique est pour les Vosges du Nord un patrimoine vivant. En effet, la production y perdure encore de nos jours. Après la mort de René Lalique en 1945, son fils Marc reprend les rênes de l’entreprise et décide d’insuffler un nouvel élan à sa production en remplaçant le verre banal, par un cristal de très haute qualité.

C’est également Marc Lalique qui fermera l’usine de Combs-la-Ville pour concentrer l’ensemble de sa production à Wingen-sur-Moder.

En quelque sorte, Marc Lalique décide de prendre le contre-pied de la politique industrielle de son père. La volonté de démocratisation de la production du père, s’oppose au désir du fils de créer autour des objets Lalique une aura prestigieuse. Si René ne se souciait pas des petits « défauts » inhérents à la production, tels que les petites bulles d’air, Marc va au contraire faire la chasse aux imperfections. Il souhaite que chaque pièce sortant de ses usines soit l’expression de la perfection. Il faut bien entendu replacer cette décision dans le contexte de la fin des années quarante, où dans le monde dévasté par la Guerre de 1939-1945, seule une très riche clientèle était encore susceptible de s’intéresser à ce type d’objets. Il s’agissait donc de s’adapter en s’attachant à plaire au regard exigeant de la haute bourgeoisie.

En 1951, Marc illustrera ses nouvelles perspectives à Paris au cours de l’exposition « L’art du verre » au musée des Arts décoratifs. Il y présentera une table monumentale, surmontée d’un lustre en cristal haut de près de 3 mètres.

A la mort de Marc Lalique, c’est sa fille Marie-Claude qui lui succédera, avant que l’entreprise ne soit vendue à différents groupes.

Depuis depuis 2011, le village de Wingen-sur-Moder est doté d’un Musée entièrement consacré à l’histoire de l’entreprise Lalique, et dont les collections insistent particulièrement sur le travail de René Lalique. En 2015, un tout nouvel établissement s’est installé dans la Villa d’Alsace de René Lalique : il s’agit d’un hôtel-restaurant qui une fois de plus, met en valeur les productions de la marque Lalique.

Conclusion

Il existe au cœur des notre région, un savoir-faire verrier et cristallier unique. Les Vosges du Nord ont attiré dans ses vallées l’un des plus grands artistes de la première moitié du XXe siècle, René Lalique. Avec les cristalleries de Saint-Louis et la présence d’artistes tels qu’Émile Gallé et Désiré Christian à Meisenthal, Lalique a participé à faire des Vosges du Nord un foyer unique de production verrière.

 

Pour visiter les différents musées liés à l’histoire verrière des Vosges du Nord suivez les liens ci-dessous :

www.musee-lalique.com

www.saint-louis.com

site-verrier-meisenthal.fr

2 commentaires :

  1. Champy Maxime

    au cours d’une visite de votre magasin, j’ai remarqué un beau pendentif, « pendentif vibrant », je crois. je souhaiterais en faire l’acquisition, Le prix affiché est de 290 E. Vous serait il possible de me permettre de vérifier si mon souvenir est exact, en m’envoyant une image de ce bijou?

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