L’allégorie de l’Espérance à Rimling, vestige d’un ensemble statuaire disparu

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Anonyme, Allégorie de l’Espérance chrétienne, 1731? (détail). Rimling, Moselle.

Le village de Rimling dans le Pays de Bitche mérite que le passant s’y attarde pour diverse raisons. L’intérêt principal de la commune est son église, au mobilier riche et varié, datant de la fin du Moyen Age et du XVIIIe siècle. Les abord de l’édifice ne sont pas non-plus dénués d’intérêt : outre quelques stèles funéraires, ils accueillent une statue du XVIIIe siècle, dont le style soigné se distingue tout particulièrement.

Un redécouverte récente

La statue de Rimling avait disparu longtemps du paysage de la commune. En effet, sa notice sur la base Palissy nous apprend qu’elle fut mise au jour fortuitement en 1984, exhumée dans le jardin du presbytère.

La sculpture en grès gris mesure 128cm et son état de conservation est relativement moyen. La tête a été recollée, les mains sont, quant à elles, lacunaires. Plusieurs manques sont visibles, notamment au niveau de l’ancre marine, attribut de la figure. De même, la surface de la sculpture présente par endroits une forte érosion, due à la desquamation du grès, ainsi qu’au lentes mais irréversibles attaques des lichens.

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Anonyme, Allégorie de l’Espérance chrétienne, 1731? (vue d’ensemble). Rimling, Moselle.

L’état de la sculpture nous indique que son séjour dans la terre du jardin du presbytère n’a pas dû s’étendre sur une très longue période. En effet, si la terre eut préservé la sculpture, l’aspect de la pierre témoigne au contraire d’une longue exposition aux intempéries.

La statue de Rimling : une allégorie de l’Espérance

Par sa rigueur, sa symétrie et par le recours à un vocabulaire classicisant l’œuvre se place dans la continuité directe des œuvres du XVIIe siècle. En effet, la chevelure de la figure, ramenée en deux étages de boucles de chaque côté de la tête, se termine en chignon. Drapée dans son manteau, la statue présente un corset rigide rappelant les antiques cuirasses et une longue robe aux plis verticaux.  Toutefois par son style, nous pouvons conclure que c’est bien durant la première moitié du XVIIIe siècle que cette sculpture a vu le jour.

Si les mains sont lacunaires, les mutilation de la sculpture nous permettent néanmoins d’en restituer la position. Selon toute vraisemblance, la main gauche était posée sur la poitrine de la figure, tandis que la main droite retenait une ancre.

Cette œuvre statuaire renvoie à une iconographie très claire et évidente, particulièrement bien connue des historiens de l’Art. Le sculpteur a représenté une jeune femme, au visage extatique, les yeux levés vers le Ciel et tenant une ancre marine. C’est cet élément qui livre la clef de l’identité de la figure.

L’ancre est un attribut qui renvoie à l’iconographie habituelle de la vertu théologale de l’Espérance chrétienne. Cet élément symbolise la stabilité durant le tourment, elle est un élément auquel se rattacher. Cette sculpture nous indique donc qu’il faut toujours s’accrocher à l’espoir et il faut placer sa confiance : dans le Ciel qu’elle fixe du regard.

L’espérance : élément préservé d’un ensemble disparu

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Anonyme, Allégorie de l’Espérance chrétienne, 1731? (détail). Rimling, Moselle.

Cette représentation de l’Espérance s’inscrivait à l’origine dans un ensemble de sculptures. Vertu théologale, l’Espérance s’accompagne traditionnellement de ses deux consœurs : la Foi et la Charité. Les trois vertus théologales sont les vertus qui guident le rapport de l’Homme à Dieu dans la théologie catholique.

Cet ensemble de trois statues fut, toujours selon la notice de l’oeuvre sur la base Palissy, commandité par le prêtre de Rimling, qui officia entre 1728 et 1774, Pierre Mercinier. En considérant la sculpture préservée de cet ensemble, on découvre que l’arrière de la statue présente un dos plat. Cette caractéristique nous indique qu’elle fut initialement prévue pour être adossée à un monument. Sachant que l’église fut reconstruite dès 1731, et que la datation de l’Espérance coïncide à cette période, on pourrait y voir une commande pour l’agrément du nouvel édifice.

Cependant, le prêtre commanditaire semble avoir usé de diverses ruses pour ne pas prendre part au financement des travaux. Peut-être a-t-il également détourné cette commande pour orner les jardins de son presbytère. En effet, connu pour son goût des arts, Pierre Mercinier possédait notamment une grande tapisserie et quatre statues figurant les quatre saisons mentionnées dans son testament (voir la notice de la base Palissy).

Provenance de la statue

L’identité du sculpteur de l’Espérance et des deux figures disparues de la Foi et de la Charité est malheureusement inconnue. Il s’agit sans doute d’un artiste de la sphère germanique. En effet, Rimling dépendant à cette époque du couvent de Hornbach, les liens vers les artistes du Duché de Pfalz-Zweibrücken. Deux-Ponts était alors une grande capitale des arts, et l’origine bipontine de cette statue ne semble pas improbable.

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Plaque commémorant les travaux de réédification de l’église de Rimling en 1731

Conclusion

Cette sculpture de l’Espérance tenant son ancre, si elle est traditionnelle par son iconographie, se distingue néanmoins par son histoire. Commandée selon toute vraisemblance par un prêtre amateur et mécène des arts, elle fit partie d’un ensemble de statues représentant les trois vertus théologales. De ce groupe de sculptures monumentales il ne nous reste aujourd’hui que l’Espérance, qui continue inlassablement de lever les yeux vers le ciel de notre beau Pays de Bitche.

Une fois sur place, franchissez les portes de l’église Saint-Pierre. Sous le porche vous trouvez une pierre de dédicace de l’un des édifices précédents, daté de 1614. Dans la nef, une niche accueille la superbe Pietà, œuvre du gothique tardif. Vous y trouverez aussi la chaire de Jean Martersteck. Du même sculpteur, le grand maître-autel est un chef d’œuvre de XVIIIe siècle.

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